mardi 15 septembre 2009

Un bon coup de beat !


Niccolo Ricardo & Caïus Locus

Les Soniques

Editions Inculte / Coll. Afterpop, dirigée par Alexandre Civico

29 €

Lecteur, laisse ta bonne foi dans les coulisses et assieds-toi tranquillement sur l’ampli. Tu le sais, la musique a été un jour confiée aux musiciens, et tous les maux de la terre, du ciel et de la mer en découlent (la montagne, pour des raisons nietzchéennes et varapeuses, a été globalement épargnée). Car si tous les musiciens ont pour souci premier, en principe, le rythme et la pornographie, il en est de nombreux qui confondent le pavillon auriculaire avec un cendrier Pernod. C’est pour remédier à ce laisser-chanter que deux doctes olibrius ont cru nécessaire de remettre les métronomes à l’heure.

Il fallait, pour se lancer dans cette entreprise qui n’eut jamais d’exemple, une bonne dose d’audace, ce dont les auteurs sont fournis à foison. Critique, typologique, sarcastique, euphémistique, sonique, politique, échophonique, parfois même trantrique, leur ouvrage est avant tout une leçon de choses, de choses puisées dans la mémoire d’antiques aèdes, dérobées aux plus aptes savants, empruntées à de fort recommandables sbires, et jamais l'on a vu vu vu la connaissance universelle portée à un degré d'ébullition aussi érudite, filtré de ses impuretés et pimentée d'anecdotes aussi carabinées.

Certes, les deux auteurs, Ricardo & Locus, ont la férule fiévreuse, le doigté redoutable, le pied prompt à repositionner le coccyx; certes ils blâment comme d’autres dînent. et fustigent comme d'autres fument. Certes, leur approche, goulument physiologique, n’épargne guère les petits pirhanas qui se pavanent sous les préaux pépiants promus aux pastorales. Castigare est un verbe qu'ils savent décliner. Mais au moins ils savent distinguer le possible du probable et n’ont pas peur d’édicter, de réguler, de cartographier le champ immense du beat. Tantôt voltairien dans l’âme, tantôt rousseauiste par le cœur, athée dans la chair, ce fringant duo ne lésine pas sur ses vingt doigts virtuoses pour dresser un état des lieux et des failles de la musique et de ses plaies, sujet qu’il maîtrise comme certains l’optique et d’autres l'apnée. En cette époque où la ritournelle est en passe d’être détrônée par le jingle, et où la canzone appelle le mix de toutes ses couleurs, un tel ouvrage est plus que salubre, il est soluble – plongez-le dans n'importe quel lac mental et vous verrez des bulles polyhédriques se former à la surface comme si l'on était un 14 juillet sur la planète Jupiter. S’il importe de se « convertir au bon son », et ce sans tarder, sans attendre que l'hameçon nous perce le tympan, alors nous avons là une bible à mille sons de la plus haute exigence, un thésaurus au poil.

Les Soniques est un livre d’une sémillante polyphonie, habile par l’exécution et la facture, virulent par ses piques et coup de faux. Il a surtout le mérite d’honorer la digression et d’éduquer le lecteur en maints domaines trop souvent tenus dans l’ombre, ainsi quand il nous instruit sur le roadie ayant répandu sa semence sans toucher et, partant, condamné à faire pénitence sept jours, ou quand il décompose le pré-mix en trois éléments : les solences, l’interprétation et l’âme du compositeur. Certes, c’est là un missel fort déroutant, et qu’on suppose plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur ; il est possible même que la chose soit truffée de petits infinis déguisés en lignes de fuite. Mais, comme il est dit quelque part au cours de ce béhémot, « l’exécution du beat requiert 10 à 15 gallons de sang jaillissant du cœur à chaque pulsation ».

Accepte donc, lecteur, cette très-bénéfique saignée et accueille en ton sein souvent sourd l’effarante et prosodique aventure signée Ricardo & Locus. En sus, tu apprendras comment cuisiner un « suprême de chanteuse » et sauras tout du « privilège des chiens ». Bref, imagine un objet littéraire non identique à lui-même, souverain dans ses parties et pantagruélique par son tout, un traité du bon son ayant proliféré au-delà du raisonnable, mais en emportant ce dernier avec lui. Une farce friande de vérités. Une nouvelle pierre jeté dans ce siècle des sons, afin qu’au fruste plouf réactionnaire succède la béatification du beat. Allons, lis, te dis-je, et fay ce que vouldras, mais point trop à jeun.

P.-S. Je joins ici le texte rédigé par l'éditeur, afin qu'au plaisir de la recension soit adjoint le fiel de la clarté:

Les Soniques

Niccolo Ricardo & Caïus Locus

A la croisée des post-modernes américains (Mark Z. Danielewski, John Barth) et des grands classiques littéraires (Tristram Shandy en tête), « Les Soniques » est une oeuvre— somme, un roman total où se fait et se défait l’histoire de la musique et du XXème siècle. Véritable événement éditorial, ce grand volume joue sur l’érudition et l’humour, alterne les genres littéraires (épique, épistolaire, fausses conférences, cut-up, etc.) et plonge le lecteur dans une lecture jouissive et passionnante.

Alternant notes digressives, interventions baroques et narration plus classique, « Les Soniques » est l’événement de la rentrée littéraire. Ce premier roman est co-signé par un traducteur reconnu (Nicolas Richard) et un musicien électronique (Kid Loco), cet ouvrage-événement est une curiosaet un OVNI dans la rentrée littéraire 2009.

« Les Soniques » est accompagnée d’une gazette mensuelle (mai, juin, juillet, août, septembre, octobre) éditée à 1 000ex ; série de « conférences soniques » faites par les auteurs (Palais de Tokyo, Villa Arson à Nice, Lieu Unique à Nantes, etc.).

LES AUTEURS

Nicolo Riccardo (Nicolas Richard) et Caïus Locus (Kid Loco) ont passé plusieurs années à écrire ce « roman » à deux mains, en marge de leur activité de traducteur et de musicien.

Nicolas Richard a notamment traduit Richard Powers, Hunter S. Thompson, Woody Allen, Harry Crews, James Crumley, etc. Il a collaboré à l’écriture du dernier long-métrage de Quentin Tarantino, "Inglorious Basterds" et va s'attaquer à la traduction du nouveau roman de Thomas Pynchon, Inherent Vice après la lamentable défection de Claro.

Kid Loco est l’auteur de huit albums, dont le dernier « Party Animals & Disco Biscuits » a été édité en 2008.

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