jeudi 21 novembre 2013

Léviathan, le bébé dont la foi déplaçait des taupinières



Jadis, Léviathan était un gros poisson un peu mythique qu'on croisait dans la Bible ou le Miocène. Puis il a évolué et il est devenu ce monstre froid appelé Etat, sous la houlette du sieur Hobbes (mais sans Calvin). Enfin, après moult péripéties, Léviathan est devenu le bébé le plus sagace du monde, grâce au talent de Peter Blegvad: ce qu'on pourra dès aujourd'hui vérifier en lisant la bande dessinée intitulée Le livre de Léviathan, qui sort aux éditions de l'Apocalypse, traduit par votre serviteur (j'adore cette expression: "par votre serviteur" — ça me permet de m'imaginer quelques secondes avec la tête de Nestor, le majordome dans Tintin, ce qui n'est pas un mince exploit…).

Peter Blegvad est né en 1951, cinq jours avant Mélenchon, ce qui est assez malin, somme toute. Comme les Beatles, il a commencé sa carrière musicale au centre du monde: à Hambourg. Guitare, chant – et un goût prononcé pour l'acrobatie verbale comme en témoigne ce chouette palindrome:
"Peel's foe not a set animal laminates a tone of sleep."
Sans renoncer à la musique, Blegvad se consacre également à la bande dessinée, et, de 1992 à 1999, The Independent va publier son étonnant comic-strip mettant en scène le bébé pataphysicien baptisé Leviathan, petit bonhomme au visage dépourvu du moindre trait, grand expérimentateur de la réalité et des songes, apprenti chamane de sa propre improbabilité, assisté d'un chat sentencieux passablement tigré. Leurs aventures oniriques, verbales, mentales (et fantasques) s'inscrivent quelque part dans l'interlope galaxie Krazy Kat/Little Nemo/Calvin et Hobbes/Alice au pays des merveilles… On lira avec profit son entretien dans The Believer, ici.
Léviathan bricole donc le monde à la seule force de ses grisantes neurones. Il cherche à mettre un ordre merveilleux dans l'inquiétant désordre du monde adulte. Blegvad a plus d'un pinceau à sa palette et s'amuse à varier les styles, les approches, les angles, il cite graphiquement Munch, Picasso, Muybridge, pratique le cut-up, le collage, le faux, et parvient même à dessiner l'abstrait, le paradoxal et l'ineffable. Chapeau ! (Et dans ce chapeau, un lapinou très spécial, aussi…)

Blegvad sera à Paris pour une rencontre exceptionnel samedi 23 novembre, au Lou-Pascalou, 14 rue des Panoyaux, à Paris, dans le XXème arrdt, de 15h à 18h (métro Ménilmontant). Laquelle rencontre sera suivi d'un mini-concert vers 19h, avec Blegvad
et John Greaves. Venez très beaucoup!

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Peter Blegvad, Le livre de Léviathan, traduit de l'anglais par Claro, lettrage d'Amandine Boucher, éd. L'Apocalypse, 29€

2 commentaires:

  1. Oooooh la barbe Claro!!! Avec votre A PARIS EXCLUSIVEMENT!
    Vous pensez qu'il vous tomberait la barbe si jamais vous organisiez une de ces "rencontre "exceptionnel" (là, vous l'avez cherché! lol!) en province? Du genre à l'Ouest for example?
    De toute façon, m'en fous, je serai à Pââââris le 23 Novembre!

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    1. Oui, mais moi, hélas, mon TGV n'arrive à Montparnasse qu'à 19h11... alors, même en arrivant ventre à terre, avec ma valise, essoufflé, chancelant, rougeaud, transpirant, jenpasseetdesmeilleurs... je ne serai jamais dans les très beaucoup à temps ! Sniff, mais pourquoi la vie est elle si cruellement injuste ?

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