vendredi 14 juin 2013

Nicolas Richard – what else?

"Ils avaient les N° du soleil et de la lune tout fracté et les fir gloutir par les machines. Ils dirent : “On vamettr tous les N° dans 1 Grand Boum et ce sera le N° des Chants Bardes.” Ils bâtir l’Anneau des Nergeries cest là où on voit le Cra Terre au jour d’hui. Ils déclencèr le Grand Boum et zoumm parut un ganrr éclair de lumyèr plus ganrr que le mond en tié et la nuyt de vint le jour. En suite tout deuv nu noir. Rien que la nuyt des années durant."
Ne changez pas de lunettes. C'est extrait de Enig Marcheur, l'incroyable roman de Russell Hoban, paru il y a quelques mois chez Monsieur Toussaint Louverture, ouvrage traduit magistralement, musicalement et génialement par Nicolas Richard. Pourquoi vous dit-on tout ça? Oh, mais c'est parce que ce traducteur infatigable, qui a traduit Pynchon, Powers, Stewart O'Nan, Miranda July, Jim Dodge, Hunter S. Thompson, Tom Drury, Woody Allen, Art Spiegelman, Nick Hornby, Harry Crews, Philip K. Dick, David Lynch, James Crumley, William Kotzwinkle et Jean Pass, vient de remporter tranquillement et sereinement le prix Maurice-Edgar Coindreau pour, justement, sa traduction d'Enig Marcheur.
L'an dernier, on avait eu la joie de voir le prix Coindreau décerné à Pierre Demarty, pour sa traduction du roman de Paul Harding paru en Lot49, Les foudroyés. C'est donc peu dire qu'on est ravi de voir ce prix intègre et exigeant (ça ne court pas la pampa) décerné à Nicolas Richard (lequel, par ailleurs, recherche des partenaires pour jouer à Blokus, n'hésitez pas à le contacter si ça vous intéresse…). Car l'homme, féru d'escalade et de Californie, à la fois débonnaire et mystérieux, par ailleurs honnête joueur de ping-pong (et persuadé à tort de m'avoir battu un jour) ainsi que grand amateur de chemises bariolées, n'a pas peur des défis et est LA référence en matière d'argot divers (traduire le bas-jamaïcain du XIème siècle avant Bob Marley l'amuse, c'est pour vous dire). Quand je sèche sur une expression liée à la drogue, ce fléau, c'est lui que j'appelle. Allez savoir pourquoi, il a toujours la réponse. Mille rumeurs courent sur son âge. On le dit centenaire, pubescent, immortel. Je le sais éternellement présent et bienveillant. En plus, il est écrivain, ce qui ne gâte rien, auteur des Cailloux magiques (Flammarion) et de l'interlope et monumental Les Soniques (sous le nom de Niccolo Ricardo, en collaboration avec le DJ-ludion Kid Loco, paru chez Inculte Inc. Corporated Limited, dont Nicolas Richard est par ailleurs membre). Bref, Nicolas Richard est un homorquestr – rappelons pour la légende qu'il a aussi posé nu pour des étudiantes népalaises, retapé des appartements en pain d'épice à Brooklyn, fait la vaisselle nucléaire à Bâle, été bûcheron-polyglotte dans le Valais et président directeur général de groupes de rock. Et qui c'est qui va traduire le prochain Pynchon, Bleeding Edge, hein, qui c'est? C'est lui. D'aucuns le surnommaient "ze dude", mais vous pouvez l'appeler tout simplement "don Corleone".
Berf, traduire Enig Marcheur exigeait non seulement a shitload of method, mais huit cent vingt mille brins de folie (le pleutre que je suis avais renoncé au projet…). Les jurés du prix Coindreau ne pouvaient pas laisser passer une occasion pareille de primer un travail non seulement acharné mais joyeux. Le prix – présidé par l'indispensable Captain Chénetier – lui sera remis le 25 juin à la Société des gens de lettres, dans le cadre des prix de printemps (littérature et traduction) de la SGDL.
A big hug au prince du feuillet  !

4 commentaires:

  1. balise "amitié incompressible" = coeur de mulot qui bat

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  2. Vos meilleurs billets parlent de ceux que vous aimez, y pas de doute.

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  3. @Anonyme
    Le vitriol a aussi du bon quand il est placé dans une ample période. Privilège du noble, non de l'aristocrate.

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