mardi 16 juillet 2013

Quand Bon fantascope Proust


Ecrivains en bordée, c’est parti !
C’est demain mercredi qu’aura lieu l’inauguration de la manifestation littéraire « Ecrivains en bord de mer », manifestation de qualité qui se déroule chaque année à La Baule sous l’égide de Bernard et Brigitte Martin. Rendez-vous est donc pris, dans la fraîcheur de la Chapelle Sainte-Anne, où auront lieu nombre de… Stop ! On n’est pas là pour écrire des articles de journaux, hein. On préfère vous dire que, avant les discours officiels (dont on guette  avec impatience les incontournables métaphores sur plage et pavé…), auront lieu deux moments qui promettent. Tout d’abord, Jacques Roubaud lira des passages de son Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, et concernant ce recueil nous renvoyons au post que nous lui avons précédemment consacré sur le Clavier. Ensuite, en avant-première, François Bon se livrera à une performance autour de 100 questions proustiennes. Pourquoi ? Parce que Bon vient de terminer un livre intitulé Proust est une fiction, livre qui sortira en septembre au Seuil dans la collection Fictions & Cie (titre qui nous ravit, d’autant qu’il nous rappelle celui de Robert Juan-Cantavella, Proust fiction, qu’a traduit Mathias Enard pour Lot49…). 

Le danger des livres sur Proust, c’est qu’ils vous donnent assez vite envie de les refermer pour replonger dans La Recherche. Grâce à Bon, on parvient à résister à la tentation, d’autant plus qu’il cite abondamment, au gré d’un découpage subtil, des passages du grand livre. Proust est une fiction n’est pas une fiction sur Proust, enfin pas vraiment, c’est plutôt, en cent blocs, une relecture de cette lecture écriture qu'est Proust, un réapprentissage de notre conscience et compréhension (et sensation) de l’œuvre proustienne, au prisme de ses lumières et de ses ombres.

Bon s’attache entre autres à la présence et l’émergence de l’objet nouveau dans la Recherche, tel que le téléphone, la photographie, l’aéroplane, la voiture, afin de mettre en relief une «poétique susceptible de se hisser à ces objets neufs, qui peuvent être considérés comme lui faisant violence ». Lire (et/ou relire) Proust à l’aune d’une fraîcheur et d’une pratique renouvelées : ce que fait Bon dans une langue en prise directe et empathique avec la rythmique proustienne. Revisiter, par exemple, le sacro-saint épisode de la madeleine autrement qu’en critique pâtissier ; recourir à la statistique pour faire l’appel des « poiriers » et des « voyageurs » au fil des pages ; permettre à Flaubert de nous rappeler qu’écrire c’est « construire notre possibilité d’erreur » ; distiller un parfum de pot d’échappement au tournant d’un chapitre (« odeur qui était comme un symbole de bondissement et de puissance » ;  revenir sur cette incroyable « extase raidie » que convoque Proust à l’heure des premiers décollages ; se demander pourquoi Venise et jamais New York…

Bon sait que revisiter une œuvre c’est tuer en soi le touriste distrait pour mieux qu’advienne machiniste, magicien, l’amoureux des méandres. Et de fait, Bon s’écoule au milieu de Proust afin d’en éprouver les alluvions et les reflets, il le tourne et le retourne sans jamais lui couper la chique, grâce à un compagnonnage qu’on sait ou sinon devine aussi fidèle qu’exigeant. Et Bon d’allumer pour nous la lanterne magique de cette œuvre aussi circulaire qu’infinie.

Et la fiction ? Oh, la fiction est là, et bien là, plus réelle qu’on ne la soupçonnait : vous apprendrez ainsi que Proust et Baudelaire roulaient dans la même voiture et pour la même cause ou presque, que le petit Marcel est sans doute le fils caché d’Isidore Ducasse, et que quand l’auteur de la Recherche danse, c’est avec Kafka, merci Federico.. Il faut parfois être Bon pour faire pousser les fleurs du mal à l’ombre de Combray et recréer, à force de connaissance et de conviction, la terrible intimité entre l’homme qui dort et celui qui meurt.

2 commentaires:

  1. Alléchant! Bon : naturellement, on le lira.

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  2. On avait pu lire le déroulé passionnant, au jour le jour, sur son site...

    La fiction papier est virtuellement sous presse (l'impatience grandit), en attendant sans doute sa transformation numérique.

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