mercredi 5 février 2014

La théorie du genre : la grande terreur des gendres

Regardez-les. Regardez-les s'agiter et tonitruer, trembler et rouspéter. Et de fait, le danger qui menace "notre" société est terrrrrible: il s'appelle depuis quelques semaines "la théorie du genre". On aurait plus vite fait de le rebaptiser "la terreur du gendre", tant il sent la psychose familiale partagée. Et tous les rats de la non-pensée de s'engouffrer dans cette pathétique paranoïa. Non mais écoutez-les, à commencer par Farida Belghoul et Alain Soral en grands fédérateurs des idées brunes, tentant de faire enfler une rumeur débilissime, rumeur reprise bile [sic] en tête par Le Pen Fille : attention, peuple de France, un mystérieux groupuscule baptisé LGBT envoie ses agents dans nos écoles pour diffuser la théorie du genre, autrement dit, à leurs yeux inéducables, l'idée qu'on cherche à saboter les différences sexuelles, à les… brouiller! comme des œufs! des cartes!, des amis!. Tout ça parce qu'ils ont appris qu'on voulait vaguement mettre en garde nos chères têtes blondes contre ces increvables stéréotypes qui pourrissent la vie sociale, et la vie tout court (cf. l'introduction dans quelques classes d'un "ABCD de l'égalité").
Et les Français de découvrir, soudain, ce terrible danger et ce mystérieux groupuscule (sûrement gauchiste non?). Alerte rouge ! Ils veulent faire de vos fils des tapettes et de vos filles des camionneuses! Bref, après le mariage pour tous, le sexe pour n'importe qui. A l'heure où l'avortement est remis en question, on comprend que ce genre d'idéologie boueuse gagne en remous. Bon, heureusement, sur la toile et même dans les journaux, certains prennent la peine d'expliquer ce qu'est – ou n'est pas – la "théorie du genre" et ce que pointe la vigilance du LGBT (L pour lesbien, G pour gay, B pour bisexuel et T pour transgenre).
On a presque envie de rassurer ces raclures qui propagent la peur comme une grande peste, et de leur dire: arrêtez de vous faire du mouron. Regardez ! Partout les acquis du féminisme reculent. Les aiguilles reviennent à la mode! Rassurant, non? La théorie du genre? Du quoi? Bon, vous voulez parlez, je suppose, des "études sur le genre". Mais c'est passionnant, savez-vous. Vous ne savez pas? Ah mais c'est normal. Parce que, autant vous le dire, ici, en France, eh bien ça a du mal à prendre, si ça peut vous rassurer. Car, hein, franchement, vous croyez qu'on fait du lavage de cerveau à nos petiots avec les ouvrages de Andrea Dworkin? Qui ça? Oh, c'est vrai, on n'a quasiment pas traduit cette féministe américaine des années 70 qui, pourtant, a donné de sa personne. Et on n'en est pas encore à rendre obligatoire la lecture du texte de John Stoltenberg, Refuser d'être un homme : Pour en finir avec la virilité, ouvrage datant pourtant de 1989 et seulement traduit aujourd'hui – et qui pourtant ne ferait pas de mal à tous ces châtrés du cervelet qui avance, couille en bandoulière, pour nous faire croire qu'on menace leur viril empire.
C'est bon, les garçons, vous êtes mieux payés, et la nuit quand vous marchez ce sont vos bruits de bottes qui font flipper les femmes, pas le contraire, alors arrêtez de faire comme si Valerie Solanas avait frappé à votre porte en brandissant un cutter.
Le mariage pour tous s'est (légalement) imposé, et on voudrait ne pas dérouler la suite logique de ce bouleversement des mentalités? Genre, oui, on a déjà donné dans l'ouverture en mai 68, mais c'était pour éviter la guerre civile, après on se calme, en principe, non? Eh non, ça ne va pas se calmer. Parce que les féministes, qu'elles soient des femmes, des hommes ou toutes les nuances entre les deux, commencent à en avoir leur claque de l'hypocrisie masculine. Et parce qu'ils et elles, féministes de tous bords, ont compris que sous couvert de vouloir protéger la cellule familiale et la répartition des rôles, l'idéologie masculine continuait de rassembler ses troupes. C'est vrai que ça marche hyper bien la famille hétéro. Une vraie réussite. 
Rassurez-vous, fiers descendants du GUD, ne vous inquiétez pas, chers humoristes ou frelatés écrivaillons (Dieudonnabe ou Marc-Edouard Donné…), renoncez à ces élans de panique: votre pénis n'a pas encore été confisqué, loin de là. On ne vous demande pas encore d'en "finir avec la virilité", juste d'arrêter de confondre liberté d'expression et pestilence buccale. Comment pouvez-vous croire une seule seconde que la (votre) virilité puisse être mise en cause? Cela dit, si vous le pensez, tant mieux. C'est un début. Parce que même une "seule seconde" c'est bien, vu que cette "seule seconde" a bien l'intention de faire le tour du cadran. Alors croisez les doigts, hein, parce que les jambes, eh bien, je crois pas que ça ne suffira pas…

8 commentaires:

  1. Affreux, ce vent mauvais qui souffle chez nous, et dont j'ai l'impression, justement, qu'il ne souffle pas que chez nous, qu'il voyage et dévaste comme les tempêtes annoncées par les cartes météo.

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  2. Je suis surpris que vous attaquiez Nabe et Dieudo, vous qui insistez dans nombre d'articles sur la primauté du style sur le sujet. Et du style, ces deux là en regorgent, il me semble.

    D'autre part j'ai essayé de comprendre pourquoi Marc-Edouard Nabe était considéré partout comme la dernière des ordures... sans succès, si ce n'est sa prestation à Apostrophe... il y a trente ans !

    Dans cette émission, le jeune écrivain tente une entrée fracassante en Littérature, maladroite il le confessera plus tard, dans ce qu'il veut être la droite ligne de Céline, son modèle alors.

    Je trouve que l'on a vite fait de condamner les individus et, au nom de la République, de les en exclure. En répétant "Nabe est un extémiste, Nabe est un extrémiste", les gens finissent par en être convaincu, sans même connaître le Monsieur.

    Ce qui est bien dommage en ce qui le concerne.

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  3. Maxime LILENFELD5 février 2014 à 16:17

    Et dire que le PAPE, le POPE et L'IMAM sont en robes!!!! Lol!

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  4. Ah, la SCUM de notre jeunesse passée... Juste un mot pour vous dire aussi qu'il y a un livre écrit par Martine Rothblatt, traduit en français il y a 15 ans et passé inaperçu à l'époque : "L'apartheid du sexe" qui parle du "continuum" et non d'une "conception dualiste" femme-homme ... Vous connaissez ?

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  5. Aaah ! ca fait du bien ! Et merci (une fois de plus) pour les livres indiques.

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  6. Devinette : À Carrefour. Rayon "enfant". D'un côté "fille", de l'autre "garçon". Lequel des deux était tout rose ?

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  7. Merci pour ce papier, tout plein d'excellentes références ! :)

    @Anonyme du 5 fev à 16h55 (et @Anonyme suivant du même jour, 21h02) :

    Si l'on peut donner des références en épistémologie du genre, je me permets de vous recommander un article de Priscille Touraille de 2011 : « "L’indistinction sexe et genre, ou l’erreur constructiviste" », Critique, « Bodybuilding. L’évolution des corps » : 87-99 (éd. de Minuit)

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