samedi 3 octobre 2015

S'infliger Bellanger

Désormais, le week-end, le Clavier Cannibale ressort de ses cartons d'anciens posts, histoire de ne vous laisser aucun répit… Celui-ci date du 24 novembre 2012. Je l'ai un peu raccourci et remanié pour aller à l'essentiel, même si le mot "essentiel" quand il s'agit d'Aurélien Bellanger est un peu paradoxal et con. En le relisant, j'éprouve à chaque fois la même surprise en tombant sur le jugement-éclairé-d'écrivain que porte – dépose, allonge, frotte – le général Bellanger sur le soldat Claude Simon: "Claude Simon, je ne comprends pas comment, encore aujourd’hui, on peut s’infliger ça." Finalement, je trouve que le plus intéressant dans cette phrase c'est ce "encore aujourd'hui" qui laisse entendre que certaines œuvres puissent "se périmer". Puisse cette lucidité s'appliquer à sa pomme.


Un entretien donné par Bellanger au journal Politis a émoustillé notre curiosité à l'égard de cet homme de lettres qui possède un dictionnaire des antonymes. Contentons-nous pour lors de citer Bellanger qui a lu des livres et en a pensé quelque chose :
« Beckett, s’il n’avait pas été photogénique, il n’en resterait pas grand-chose."
La remarque de Bellanger est frappante. Mais que frappe-t-elle, sinon le crâne creux de celui qui l'a pondu? Attendez, il y a mieux:
"Claude Simon, je ne comprends pas comment, encore aujourd’hui, on peut s’infliger ça."
Zut, encore un Nobel qui en prend pour son grade. "S'infliger" ? Ce verbe-là  doit être l'ennemi mortel de "simplifier"… Il faut dire, et préciser, que Bellanger a une bête noire: l'innovation:
"Combien de fois ai-je entendu dire d’un livre : c’est bien, mais ce n’est pas très novateur dans la forme. Ah bon, car la littérature a un devoir de progrès ?"
Comment expliquer à ce pousse-pied des lettres modernes qu'innovation et progrès sont deux choses différentes, et qu'en matière de littérature, on ne cherche pas à darwiner, mais à "échouer mieux"? Cela paraît impossible, d'ailleurs, au vu de sa conception de l'écriture:
"C’était délicieux de cesser de me demander si j’avais un style, pour découvrir que j’avais simplement des choses à raconter, et que j’avais certaines facultés à les raconter de façon intéressante. J’ai essayé d’être élégant, de privilégier les structures grammaticales classiques et compréhensibles."
 
La littérature: raconter des choses de façon intéressante. L'ambition bellangeresque  a le mérite au moins de placer la barre assez bas, voire de faire de la barre un bâton avec lequel cingler la croupe de l'âne sur lequel on peste parce que la pauvre bête refuse d'avancer, se sachant plus finaude que son jockey d'opérette.

1 commentaire:

  1. Oh! Shocking! Pour revenir à votre billet précédent, j'ai fait cette expérience en lisant "Histoire". Je l'ai laissé en plein milieu, éprouvant soudain le besoin de relire "L'Herbe" et "Le Tramway" qui n'avaient pas suffisamment "infusé". Puis j'ai repris "Histoire" en toute félicité...
    Quant au dernier livre que j'ai prêté à l'un de mes proches, c'est "Watt"...
    Beckett et Simon, deux écrivains dont j'essaierais de sauver les livres si s'abattait sur moi le Déluge.
    "privilégier les structures grammaticales classiques et compréhensibles", c'est l'enseignement que j'ai reçu au CM1.
    Finalement, ce Bellanger est fort utile : on sait grâce à lui vers quoi se diriger....

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