jeudi 17 mars 2016

Histoire d'H

Jacques Barbaut avait déjà réglé son sort à la lettre A dans un ouvrage intitulé A As Anything, anthologie de la lettre A (2010). Il récidive ces temps-ci avec H ! Hache ! Hasch ! Hallucinations de la lettre H.

On sent bien qu’entre ces deux livres, avec eux, est poussé comme un grand cri – de révolte ? d’étonnement ? de soulagement ? Oui, un AH ! claque et retentit – faire la sourde oreille serait inutile. Barbaut a quelque chose à dire. Ou plutôt à écrire, lui pour qui le sens n’est pas loin d’être une mascarade, et l'alphabet une gamme en peine. Qu’est-ce qu’une H, donc ?

Lettre peut-être plus mystérieuse que les autres, « être fictif issu de l’écriture », à en croire Saussure que cite Barbaut, l’H est moins aspirée qu’on le pense mais inspire à qui mieux-mieux. Tous les auteurs convoqués par Barbaut lui tressent un cénotaphe ambigu, parfois même à leur insu. Mais c’est avant tout sa forme qui retient l’attention de Barbaut, lequel n’hésite pas à présenter son ouvrage ainsi :
« Hasch ! Hache ! H ! accueille en son sein citations, phantaisies diverses, arithmosophies, quasi-calligrammes, poésies sonore et optique. »
Bon, vous me direz que le titre, dans cette citation, est ici quelque peu chamboulé, mais Barbaut est un peu un artiste du chamboulement comme d’autres de la faim. Zutiste tendance aquoiboniste. Il ne croit que ce qu’il lit, et encore. Mais ce qui l’attire, dans l’ombre hiératique de l’H, ce sont ses vertus sécantes, cette fière allure de guillotine qui permet de couper court aux longs discours. Ainsi, l’H – que personnellement je m’obstine à élider par pure perversité – jouerait le rôle de grand monolithe noir sur la planète alphabétique (et humaine). On le retrouve d’ailleurs dans de nombreux patronymes divins – yHwH, jéHovaH, yaHvé, éloHim, cHrist, allaH, maHomet, tHot, hetc.

Bref, Barbaut brandit et abat sa H sur l’amère gelée de la littérature, débusquant ses usages, hasards, vices, vertus, audaces, rites. Exégèse patraque ? potacherie lettriste ? Il est possible, comme l’insinue Maurice Leblanc dans Les Huit coups de l’horloge, que l’H soit une sorte de sésame, un mot secret qui, une fois prononcé, ou décliné, ou combiné, déclenche une série de calamités. Tel le pharaon qui l’hab(r)ite, l’H serait-elle porteuse d’une malédiction ? Parce que, parfois, muette ? On le sent, derrière l’innocence du propos, quelque chose d’aussi grave que l’e perequien se noue sans oser se dénouer. L'h reste entachée. Mais de quoi? D'une bombe éponyme? d'une drogue édifiante?

Peut-être faut-il se résoudre, après Barbaut, à enterrer, de guerre lasse, l'H.
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Jacques Barbaut, H ! Hache ! Hasch ! Hallucinations de la lettre H, Nous, 2016

2 commentaires:

  1. Si vous me permettez, je n'ajouterai que quelques mots, les vôtres, dans l'espoir qu'ils fassent écho (entre vous et moi) : "Allons, soyons fous, forgeons un mot de toute pièce. Et appelons ce discret miracle une… une… translation."

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  2. Hénaurme, cette belle aptitude du H à "couper court aux longs discours"; hilarante aussi, cette étrange fixation sur la lettre, en négligeant quelque peu l'esprit, habile hâbleur habité, hué et houspillé à tort, qui nous hèle et nous hante à toute heure...

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